Je n’avais jamais imaginé devoir partir.
Au début, je voulais croire que les choses changeraient.
Qu’en faisant plus d’efforts, en étant plus patiente, tout rentrerait dans l’ordre.
Mais petit à petit, sans que personne ne le dise, quelque chose s’est brisé.
Un regard, un silence, un geste qu’on ignore.
Je me suis perdue à force de vouloir rester.
J’ai étouffé des questions, caché des blessures, pour ne pas déranger.
J’ai mis du baume sur des absences, sur des manques que je n’aurais jamais dû accepter.
Un jour, en me regardant dans le miroir, je n’ai plus reconnu celle que j’étais.
C’était devenu plus dur de rester que de partir.
Je sais que beaucoup de femmes restent.
Par peur.
Par manque de moyens financiers.
Par peur d’être jugées.
Par peur de ne pas être assez fortes.
Parce que notre société marginalise celles qui osent tout abandonner pour se reconstruire.
Parce qu’on préfère voir une femme endurer en silence jusqu’à ce que souvent la mort les sépare, plutôt que la voir choisir son bien-être.
Moi, j’ai choisi de partir.
Pas pour punir. Pas pour fuir.
Mais pour me sauver.
Et pour donner à mes enfants la chance d’être élevés par une mère en bonne santé mentale, physique,
qui puisse leur offrir une maison sans cris étouffés, sans peines cachées, sans colères muettes.
Je sais que ma sœur est toujours mariée.
Je sais que ma meilleure amie l’est également.
Je sais que l’herbe n’est pas forcément plus verte chez elles.
Mais je suis moi.
Je ne me définis pas à travers leurs choix.
Je suis unique. Je suis spéciale.
Ma capacité d’endurer a ses propres limites.
Et parce que je suis unique et précieuse, je mérite mieux.
Partir, c’était refuser de leur apprendre que supporter l’inacceptable est normal.
Partir, c’était leur enseigner, à eux aussi, que l’amour de soi est une forme de courage.
Je suis partie.
Sans drame.
Sans explication.
Sans colère.
Aujourd’hui, je comprends que partir n’était pas une faiblesse.
C’était une manière de dire : je mérite mieux.