Remariage : le parcours du combattant des veuves

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Au Mali, le remariage pour refaire sa vie reste très difficile pour les veuves. Beaucoup de facteurs influent, à commencer par les tabous sociétaux.

Appelons-la Hawa. La trentaine, elle a connu deux fois le veuvage. Mariée avant sa majorité, son premier amour décède alors qu’elle était enceinte de Aissa, sa fille unique, âgée aujourd’hui de 15 ans. A la mort de K., comme il est de coutume dans certaines contrées du Mali, Hawa se remarie au frère de son défunt mari, Samba. Le lévirat s’effectue dans la plus grande sobriété.

Samba, le deuxième garçon par ordre de naissance  chez les  Peuls, est un riche aventurier. Une année après la consommation de leur union, le second époux meurt à la suite d’une courte maladie. Depuis, le veuvage de Hawa perdure. Ni sa fortune, ni sa bonne naissance n’attirent de prétendants.

Dans la fratrie de ses regrettés conjoints, personne ne veut prendre de risque, à cause de la règle non écrite qui voudrait qu’il n’y a pas deux sans trois. Mais surtout à cause des commérages sur la jeune dame. Les mauvaises langues lui attribuent une espèce de malchance (Térédjoukou), ayant le pouvoir d’abréger la vie de ses conjoints.

S’émanciper des traditions

Au Mali, refaire sa vie de couple après la perte d’un conjoint est très difficile. Cela varie selon le sexe, le milieu de résidence, la situation financière, le nombre d’enfants. Ainsi, il est plus facile pour un homme de se remarier qu’une femme. Une femme urbaine, avec peu d’enfants, a plus de chance de remariage qu’une femme rurale qui en a déjà plusieurs et qui est sans revenus. Dans la plupart des cas de remariage, ce sont les trois poches (les quadragénaires) ou plus du côté des hommes, qui tirent leur épingle du jeu. Cette catégorie est sensée avoir la maturité nécessaire pour combler le vide psychologique.

Voir un jeune célibataire convoler en noces avec une veuve relève presque du miracle. La pression familiale ou les préjugés se posent souvent en obstacle. Ibra, un ami de longue date, m’a un jour fait part de son désarroi lorsqu’il avait nourri l’espoir d’épouser Binta, une jeune veuve pleine de vie. Les jeunes gens s’aimaient à la folie. La jeune femme s’est opposée au lévirat souhaité par la famille de son défunt mari, et repoussé plusieurs avances, espérant se remarier avec Ibra. Malheureusement, « ma famille est partie en rébellion contre mon choix, au fallacieux motif qu’épouser une veuve étant célibataire n’est pas de bonne augure », regrette le jeune homme, qui appelle à s’émanciper du côté « pervers » des traditions.

La femme, un bien à hériter

Si « certaines femmes trouvent leur compte dans la pratique du lévirat », la jeune génération, qu’elle soit rurale ou citadine, « ne s’accommode pas aisément de la tradition », comme l’explique la sociologue et écrivaine malienne, Fatoumata Keïta dans Les Mamelles de l’amour (éditions La Sahélienne). Elle fait de plus en plus de la résistance, arguments juridiques à l’appui. Pour certaines activistes de la cause des femmes, le lévirat fait de la femme un bien à hériter. Ni plus ni moins. Cependant, le refus de Binta de refaire sa vie avec un frère de son défunt époux, est un choix de cœur plutôt qu’une remise en cause de la tradition. En milieu peul la pratique est monnaie courante. Malgré les mutations, cet univers reste largement conservateur.

Binta a fini par trouver l’homme de sa vie, déjà en couple. Hawa, la double veuve, s’est résignée dans la dévotion. Elle n’attend plus de prince charmant, mais espère un sort meilleur pour sa fille unique.

 

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