Ayez le courage de dénoncer, parce que le premier coup peut être aussi le coup fatal

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Ces dernières années ont été marquées par une recrudescence des violences faites aux femmes. C’est dans ce contexte que maliennemoi a décidé de s’entretenir avec Me Nadia Myriam BIOUELE avocate à la cour engagée pour la cause des femmes et sur les violences dont elles sont victimes.

Maliennemoi : Pouvez-vous-vous présentez aux lecteurs (ces) de Maliennemoi ?

Je remercie tout d’abord  maliennemoi pour cette opportunité qu’elle nous donne pour parler, et même plaider pour la prévention et la protection des femmes, et pour dénoncer les violences dont elles sont les cibles.

Je réponds au nom de Me Nadia Myriam BIOUELE avocate à la cour

Maliennemoi : Qu’entendez-vous par violences faites aux femmes ?

La violence faite aux femmes, c’est tous les actes que se soient verbaux ou physiques infligés à la femme ou à la petite fille,  qui ont tendance à lui causer des préjudices physiques ou moraux. Donc toutes paroles blessantes,  insultantes, tous harcèlements,  les coups et blessures volontaires et même les actes criminels de viols, d’attentat à la pudeur. Parce qu’ici au Mali l’attentat à la pudeur est un acte criminel. Les meurtres les assassinats, tous ces actes abominables que la femme subit ou la petite subit,  par le fait de tierce personne.

Maliennemoi : Que doit faire une victime de violence ?

C’est la dénonciation, c’est de ne pas se renfermer, se morfondre, se laisser envahir par la peur, la terreur, et la douleur. Il faut surtout dénoncer les faits aux autorités compétentes notamment au commissariat de police le plus proche, ou  au procureur du tribunal d’instance le plus proche du lieu des faits.  Au Mali nous avons 6 communes et nous  avons une justice assez décentralisée. C’est  d’ailleurs l’une de nos fiertés dans la sous-région pour justement faciliter l’accès des justiciables à la justice au niveau du district de Bamako. Dans les régions, il existe désormais des tribunaux d’instance, mais il y encore des justices de paix à compétence étendue (JPCE). Donc il y a lieu d’alerter les personnes habilitées à recevoir des plaintes et à mener des enquêtes comme la justice, la police, la gendarmerie la plus proche.

Ou à saisir l’avocat qu’on connait, ou un  huissier de justice, pour au moins déjà constater les faits parce qu’en la matière les preuves sont très volatiles.  Mais la preuve d’une agression physique se voit sur la personne. Et quand il y a agression physique ou violence physique,  comme le viol, les coups et blessures volontaires,  il faut  immédiatement saisir un médecin. Le médecin a l’obligation de dresser un certificat médicale et l’obligation de dénonciation, ce que nous ne rencontrons malheureusement pas très souvent au Mali. Ils ont l’obligation de dénoncer les faits, ils ne doivent pas couvrir l’auteur des faits pour quelles que raisons que se soient, parce qu’ils ont l’obligation de savoir les causes des maux du patient. Surtout, que ce sont  les médecins qui  reçoivent déjà les premières impressions de la victime. Ils ont l’obligation de dresser un certificat médical et de faire un rapport médical et psychologique. Voilà les toutes premières  actions à entreprendre, quand il y a  agression physique, ou viol, qui peuvent laisser des séquelles sur le corps de la victime et même sur son état psychologique.

Maliennemoi : Cette obligation de dénonciation de la part  des médecins émanent- elle de la loi ou du serment d’Hippocrate

Elle émane du serment d’Hippocrate, nous n’avons pas encore de lois spécifiques sur la responsabilité médicale au Mali, c’est un projet de loi qui traine depuis belle lurette dans les tiroirs de l’assemblée Nationale, qu’il va falloir remettre sur table, le relire et l’actualiser. Cette loi aura l’avantage justement d’imposer aux médecins  de s’acquitter de leur obligation,  de faire leur sacerdoce comme il se doit, comme ils l’ont juré lors de leur prestation de serment.

Maliennemoi : Pourquoi la plupart des victimes de violences  ne portent pas plainte

Les agressions physiques faites aux femmes ne sont pas dénoncées pour de raisons le plus souvent sociales et culturelles surtout quand il s’agit des jeunes filles, où des questions de pudeurs qui ne se justifient pas. Mais aussi surtout pour ne pas exposer la  jeune fille à des médisances,  rigolades, ou qu’elles soient rejetées par la société. Parce que nous sommes  encore une société qui rejette les victimes de viol par exemple. Nous  estimons que la fille a dû provoquer,  ou qu’elle a été mal élevée, ça remonte jusqu’aux parents,  jusqu’à l’éducation même au sein de la famille.  Alors que tout le monde sait que le viol est un crime. Quand nous  parlons  de viol déjà,  nous savons qu’il n’y a pas de consentement, donc nous  ne pouvons  en vouloir à la victime. C’est un rapport de force entre la victime et l’agresseur. Il y a le poids de la société,  la religion,  des us et coutumes qui peuvent même rendre difficile la défense de ces personnes  parce qu’elles vont volontairement taire les témoins ou cacher les preuves pour ne pas s’exposer. Elles ont honte que l’affaire soit exposée devant la justice où les débats sont publics à l’exception des mineurs dont les affaires sont débattues à huis clos.

Maliennemoi : Au niveau des textes juridiques, qu’est ce qui est prévu en cas de plainte, les voies et recours

Si la victime dépose plainte au près du procureur, il va tout de suite diligenter la plainte en information, soit au juge d’instruction si c’est une plainte avecconstitution de partie civile. C’est-à-dire,  si la victime demande réparation  du dommage à l’auteur des faits en cas de préjudices physiques ou moraux. Ou même les ayants droits de la victime peuvent demander réparation s’ils estiment faire valoir les préjudices qu’ils ont subis. Cette réparation est d’ordre civile et n’allège en rien la condamnation pénale dont l’auteur du délit ou du crime conformément à la loi, doit être puni pour cela. Il fera l’objet soit d’une peine d’emprisonnement et ou une amende selon les cas. Mais généralement dans les cas de violences faites aux femmes, les peines d’emprisonnement et d’amendes sont lourdes. Il s’agit dans la plupart du temps pour les délits, des peines carcérales allant de 1 à 5 ans, ou pour des crimes des peines allant de 5 ans à des réclusions à  perpétuité , ou souvent en cas d’assassinat de la peine de mort qui n’est pas encore abolie au Mali.

Mais le procureur  peut également  transmettre la plainte au commissariat de police  aux niveaux des officiers de police judiciaire (OPJ) pour enquête.

A suivre…

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